mercredi 14 mai 2014

NATURE DE L'EAU : Structure et polymorphisme de l'eau




Tenter de comprendre l’eau nécessite au préalable de faire table rase de nombre de conceptions et représentations académiques ou grand public qui s’avèrent le plus souvent désuètes, partielles voire totalement erronées. Voici quelques caractéristiques essentielles de cette substance vitale.


Commençons par intégrer que le statut de l’eau a profondément évolué, passant de la notion d’élément (Aristote) à celui de molécule à la fin du XVIIIe siècle (Lavoisier). 

  


Indiquons ensuite que l’eau ne peut se réduire à la classique formule H2O contrairement à la formule simpliste et très usité en science :




L'eau est fondamentalement polymorphe : H2O(n), isotopes de l’hydrogène et de l’oxygène, ions hydronium (H3O+) et hydroxyde (OH-), eaux ortho et para.
  


L'analyse des isotopes de la glace des carottes glaciaires des pôles permet par exemple de reconstituer l'histoire du climat terrestre, de comprendre des phénomènes météorologiques comme la mousson...

http://www.futura-sciences.com/magazines/environnement/infos/dossiers/d/climatologie-analyse-isotopique-eau-cle-comprendre-climat-2076/ 


Une autre facette de l'hétérogénéité hydrique est illustrée par l'existence de deux types d’eaux : ortho et para.  Ces termes font références aux propriétés de chaque proton du noyau d’hydrogène de tourner sur lui-même. Cette rotation lui confère un  moment magnétique associé appelé spin.
Ce dernier peut prendre deux valeurs (+1/2 ou-1/2) en fonction de son "sens de rotation". Si les deux spins nucléaires des deux hydrogènes d’une molécule d’eau sont opposés, la molécule est dite para ; dans le cas contraire, elle est dite ortho.





A température et pression ambiantes, il existe 75% d’eau « ortho » et 25% d’eau « para ».
 
 Il s'avère possible de séparer ces deux états par adsorption sur une surface en raison des champs électriques très inhomogènes qui y règnent, soit par action d’un champ magnétique.



Il faut mentionner que l’eau para-, contrairement à l’eau ortho-, peut atteindre un état quantique où la molécule ne tourne plus et s’immobilise complètement. Conséquence ; elle est invisible en spectroscopie RMN du proton et en IRM.



L’ADN s’hydratant préférentiellement avec l’eau para, disposer d’une source d’eau encore plus enrichie en cet état moléculaire pourrait donc permettre de faire progresser la biologie et l'astrophysique ainsi que de mettre au point de nouveaux médicaments.


   
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Poursuivons en précisant que la molécule d’eau est polaire (l’oxygène est chargé négativement et les deux hydrogènes le sont positivement). Cette polarité permet la formation de liaisons hydrogène avec d’autre molécules.  La durée de vie de ces contacts chimiques est très courte (de l’ordre de la picoseconde, c’est-à-dire 10-12  seconde). Cette brièveté conditionne la grande labilité des interactions chimiques entre les molécules d’eau mais aussi entre ces dernières et les multiples substances hydrosolubles (colloïdes, gaz dissous...). 

Illustration : The structural memory of water persists on a picoseconde timescale

https://www.sciencedaily.com/releases/2015/09/150918083121.htm# 
 

  

 Ainsi, le réseau moléculaire au sein de l’eau ne cesse, en permanence,  de se construire puis de se détruire et ainsi de suite. En conséquence, appréhender le comportement de l’eau n’a de sens que d’un point de vue dynamique (remaniement permanent des liaisons hydrogène) et non statique (agrégats polymériques ou « clusters » : eau dimère, trimère…) comme on le lit encore trop souvent. 


  



 Illustration :
http://www.je-comprends-enfin.fr/index.php?/L-eau-a-l-etat-liquide/les-molecules-deau-sorganisent-en-structures-temporaires/id-menu-8.html

Par ailleurs, sa structure sous forme liquide semble être double. Autrement dit, deux formes coexisteraient dans l’eau en fonction notamment de la température et de la pression; l’une de haute densité (High Density Water avec des liaisons hydrogène faibles et "coudées") et l’autre de basse densité (Low Density Water comportant des liaisons hydrogène fortes et linéaires). Ce statut structurel « Janusien »  est aujourd’hui dominant parmi les modèles existants et s’applique à la physique, la chimie et la biologie. Il existe cependant une autre théorie fondée sur un réseau continu tridimensionnel de liaisons hydrogène fluctuant de manière complètement aléatoire (appelé CRN pour «Continuous Random Network»).

Pour aller plus loin :
http://prmarchenry.blogspot.fr/2014/07/eau-liquide-structure.html 


Dans un article de 2003 au titre éloquent : « L'eau est-elle schizophrène? », José Teixeira, chercheur au Laboratoire Léon Brillouin (CEA/CNRS) à Saclay s’interrogeait sur la structure de l’eau à partir de deux types de glace « amorphe ». 

http://www.larecherche.fr/savoirs/physique/eau-est-elle-schizophrene-01-04-2003-88904

Voir aussi la vidéo "L'eau, cette inconnue" de ce chercheur
 
http://www-centre-saclay.cea.fr/fr/L-EAU-CETTE-INCONNUE-Par-Jose-Teixeira-chercheur-au-Laboratoire-Leon-Brillouin-CEA-CNRS-a-Saclay 

L'insaisissable structure de l'eau ?


Depuis plus de 100 ans, les scientifiques ont débattu de la structure moléculaire sous-jacente de l'eau et le point de vue dominant est que les molécules H2O sont soit «semblables à l'eau» (« water-like ») ou  semblables à la glace» («ice-like »). Désormais, grâce à la simulation informatique réalisée à l'Institut for Advanced Computational Science (SIGC) de l'Université Stony Brook, des chercheurs ont pu démontrer que la structure et la dynamique de la liaison hydrogène dans l'eau liquide est plus semblable à la glace qu'on ne le pensait.



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La liaison hydrogène s’avère donc être la clef de voûte de la structure et des propriétés de l’eau. En effet, ces liaisons chimiques fugaces expliquent en grande partie, les très nombreuses « anomalies » physico-chimiques de l’eau (solvant quasi universel, densité de la glace inférieure à l’eau liquide…) qui permettent l’expression de la vie sur la Terre. L’ensemble des propriétés singulières de l’eau conditionnent ses multiples rôles biologiques connus ou à découvrir et sont déductibles de sa structure. 1

Terminons ce rapide tour d’horizon par les états de l’eau. À une échelle macroscopique l’eau se trouve sur notre planète sous trois états physiques (ou phases) différents: glace, liquide et vapeur. Cependant, à l’échelle nanométrique (1 nanomètre = 10-9 m) d’une molécule d’eau (le diamètre d’une molécule H2O est d’environ 0,3 nm) celle-ci est toujours en interface avec d’autres substances (molécules, ions) tant d’un point de vue physicochimique que biologique. Prenons un verre d’eau pour illustrer les trois types d’interfaces qui coexistent dans celui-ci : l’eau est en contact avec son contenant (solide), avec l’air (gaz) ainsi qu’avec les différents solutés présents au sein du liquide. En conséquence, l’eau pure n’existe pas stricto-sensu car elle est toujours interfaciale et ce quatrième état  de la matière hydrique est indubitablement le plus fondamental. 2

  


Au final, nous sommes en présence d’Aqua complex qui recèle  encore de nombreuses et passionnantes inconnues scientifiques.

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2  « The fourth phase of water ». Gerald Pollack.